Lettre autographe signée à son éditeur Hippolyte Souverain.

4 pp. in-4°, encre brune sur papier vélin, s. "de Balzac", cachet sec au chiffre HB couronné (lég. traces de plis dus à l'envoi, min. manque de papier aux coins inf. sans perte dû à l'ouverture, lég. rouss. en bordure).

Sous cadre de bois doré et vitrage mod.

Longue lettre à son éditeur à propos d'une "petite négociation pour laquelle je réclame votre obligeance". Balzac est alors en Ukraine chez Mme Hanska qu'il va épouser quelques mois plus tard. "Mon ami M. Mniszech [le comte Georges Mniszech, gendre de Mme Hanska] a acheté une collection d'insectes à un M. Dupont naturaliste. Les deux derniers termes de paiement sont au 15 mai 1849 et [...] 1850 [...]. M. Dupont pourrait vouloir, comme nous autres auteurs, escompter cette somme de 27,143 f. 75 cent., ne fût-ce que pour profiter des placemens avantageux qu'offre la place de Paris en ce moment. Or, moi, je veux faire cette affaire et n'étant pas à Paris, vous me permettrez de vous demander votre nom, comme vous me l'avez prêté pour l'affaire H. sans que vous soyez le moins du monde engagé [...]". Il compte sur sa plus grande discrétion et donne ensuite la marche à suivre afin de contourner les obstacles légaux qui frappent les transactions financières entre la France et l'Empire russe : "Maintenant pour opérer cette négociation, vous direz à M. Dupont que vous savez que M. Mniszech est un grand propriétaire [...] et que ces effets pour vous valent Rothschild, Hottinger, or en barre, etc. [...]. Mais... Voici les mais : les relations entre Berditcheff et Paris sont entre les mains des maisons juives, et il en coûte 15 p % de toute somme qu'on envoie d'ici à Paris [...]". Ses explications sur les questions de change s'étendent encore sur près de 2 pages bien denses. Il en vient au fait : proposer à M. Dupont d'échanger ses effets "contre un millier de francs et un millier d'exemplaires des oeuvres de Berthoud ou de Ste Beuve [...]. Voici mon estimation. Vous pouvez donner 19,500 fr. des deux effets, en bon argent, mais si vous faites l'affaire à 18,000 f. je vous prie d'accepter 350 fr. pour donner une bague à madame Souverain. Dès que M. Dupont aura consenti, dites-lui que vous ne pouvez pas avoir réalisé les valeurs de votre portefeuille avant un mois, car le jour-même où il aura consenti, qu'il vous aura remis les valeurs (si cela se peut) vous m'écrirez et je vous enverrai la somme qui vous sera comptée par la maison Rotschild de la part d'une tierce personne, et vous remettrez ces deux valeurs acquittées par vous à ma mère qui sait ou saura alors ce qu'elle en devra faire [...]". Il demande aussi ce qu'il doit "pour le Dictionnaire de d'Orbigny", "une facture acquittée de tout ce que M. Mniszech et moi nous vous devons, et je joindrai cette somme et celle payée pour livres à Dupont à l'envoi total de l'argent nécessaire à l'escompte". Il demande en outre à son éditeur de joindre à l'envoi de livres qu'il fera : "1°. les Mémoires de Chateaubriand s'ils ont paru. 2° un exemplaire de la Revue rétrospective de Taschereau, et [...] une belle paire de pelles et pincettes à belles poignées en cuire doré, ciselé [pour tisonner sa cheminée]". Le comte Mniszech, qui était logiquement dans la confidence, a aidé financièrement Balzac à plusieurs reprises. Celui-ci organisa l'achat de la collection de Richard Henri Dupont et son envoi à à Wierzchownia, chez Mme Hanska.
En proposant à son éditeur de jouer les hommes de paille, Balzac démontre une fois de plus sa fine connaissance des arcanes du monde des affaires, si brillament mises en scène dans certains de ses romans comme "César Birotteau" ou "La Maison Nucingen".
Réf. Daszkiewicz, Piotr - "Documents inédits concernant l’histoire et la vente de la collection entomologique de Georges Vandalin Mniszech (1822-1881)", in Le Coléoptère. 16/2, 2013, pp. 80-82.